Aberrations internes et subluxation du cristallin
Le déplacement partiel du cristallin (subluxation) constitue un modèle clinique unique pour étudier les caractéristiques et la genèse d’une élévation marquée de la composante interne du contingent des aberrations optiques de haut degré de l’oeil humain.
Le cas rapporté ici est remarquable de part l’histoire clinique, et les résultats des examens d’imagerie et d’aberrométrie.
Cas d’une subluxation bilatérale du cristallin
Une myopie rapidement progressive est apparue vers l’âge de 25 ans/30 ans chez une jeune femme en bonne santé, qui ne présentait jusqu’alors qu’un léger astigmatisme direct. Cette myopie a évolué rapidement, pour atteindre un équivalent sphérique de l’ordre de 7 Dioptries vers l’âge de 35 ans, et s’est accompagnée de troubles visuels plus marqués en conditions mésopiques (faible lumière). Ces troubles étaient rapportés comme la perception de trainées lumineuses en « queue de paon » au dessus des sources de lumières vives. L’auité visuelle corrigée était proche de 10/10 à chaque oeil avec une correction adaptée. De près, l’addition nécessaire était de +2.50D pour lire l’échelle de caractères Parinaud 2.
Un bilan ophtalmologique plus poussé fut prescrit en 2010, et celui-ci permit de découvrir la présence d’un début de subluxation cristallinienne inférieure bilatérale, sans cataracte associée. Le cristallin apparaissait légèrement déplacé en inférieur, c’est du moins ce que suggérait la présence d’un léger croissant d’aphakie supérieur après dilatation à la lampe à fente. Le reste de l’examen ophtalmologique était normal. Une échographie cardiaque a été pratiquée pour éliminer la présence d’une dilatation aortique (syndrôme de Marfan, dont le bilan complet n’a pas été accompli à ce jour par la patiente, sans pour autant que son aspect morphologique soit particulièrement évocateur de cette affection génétique).
Ce croissant d’aphakie est nettement plus visible en 2014 qu’en 2010 :
Le schéma suivant expose les conséquences d’une subluxation du cristallin en inférieur, qui s’accompagne d’un léger déplacement antérieur de l’équateur de celui-ci.
Une capture de l’image du segment antérieur en lumière infra-rouge permet de visualiser les fibres zonluaires en supérieur, dans l’axe de la subluxation :
Pour étayer les plaintes visuelles, un simple test clinique ne requérant qu’une feuille et un crayon peut être effectué.
Test du « point blanc lumineux »
La plupart des projecteurs d’optotypes disposent de cette option qui consiste à projeter un simple « point » (en réalité un petit disque) blanc sur fond noir. On demande au patient de le fixer avec un oeil, puis l’autre, et de dessiner l’image qu’il perçoit.
Examen topographique cornéen et aberrométrique (OPDscan III, Nidek)
Une mesure topographie est aberrométrique a été accomplie avec le topographe aberromètre OPDscan III.
Ses résultats pour l’oeil droit et l’oeil gauche sont présentés ici:
Biométrie oculaire
La présence d’une myopie tardive doit faire l’objet d’une enquête précise. En théorie, la cause de cette myopie peut être en rapport avec une cause axile (élongation du globe conduisant à une longueur focale excessive vis à vis de la vergence cornéenne), une cause cornéenne (accentuation de la cambrure cornéenne) ou cristallinienne (augmentation de l’indice de réfraction, comme au cours des cataractes nucléaires, augmentation de la courbure du cristallin, comme au cours de l’accommodation).
La mesure biométrique est éloquente: les « mensurations » externes de l’oeil, sa kératométrie et sa longueur, sont proches de celles que l’on observe chez les yeux emmétropes (non myopes).
La nécessité d’adjoindre une addition de +2.50D à la correction de loin pour permettre à la patiente de lire Parinaud 2 est logique dans ce contexte: le cristallin ayant adopté sa forme « accommodée » (relachement zonulaire), il a provoqué l’apparition d’une myopie mais ne peut plus se déformer pour augmenter la puissance de l’oeil et permettre la vision nette de petits caractères de près.
Etude des variations de la vergence au sein de l’aire pupillaire
L’examen aberrométrique permet d’établir une carte très utile pour explorer les variations de la réfraction (vergence) au sein de l’aire pupillaire. Avec l’OPDscan III, cette carte est appelée « OPD map ».
La carte OPD peut être recalculée après la correction idéale des aberrations de bas degré (myopie et astigmatisme); elle permet de visualiser ce qui n’est PAS corrigé, en terme de défaut optique résiduel, par la correction en lunettes :
Etude du front d’onde oculaire
Grâce à l’examen topographique combiné au recueil aberrométrique, il est possible de représenter le front d’onde de l’oeil entier, de la cornée, et par soustraction des dioptres internes, ce qui revêt une importance particulière dans le cas présent.
Image en rétro illumination
Une image en rétro illumination peut être obtenue après dilatation; ces images sont centrées sur le vertex cornéen, qui fournit un référentiel pour explorer la possibilité d’une accentuation de l’ectopie.
Une évolution similaire peut être objectivée au niveau de l’oeil gauche :
Conclusion
La subluxation du cristallin provoque :
-une myopisation par relâchement zonulaire et moindre mise en tension de l’équateur du cristallin qui adopte une forme plus bombée. Un léger déplacement antérieur du cristallin participe aussi à cette myopisation. Cette myopisation est donc purement d’origine interne, sans participation axile ou cornéenne. La génèse d’un astigmatisme myopique d’origine interne semble plus modeste.
– une réduction des capacités d’accommodation, et au passage une preuve de plus en faveur de la théorie d’Helmholtz (mécanisme de l’accommodation).
-une élévation des aberrations de haut degré de type coma, engendrée par le désaxage du cristallin vis à vis de l’axe visuel. Cette coma traduit l’apparition d’une vergence accentuée dans la moitié supérieure de l’aire pupillaire.
– sur le plan visuel, les conséquences de l’asymétrie et l’étalement lumineux se caractérisent par la perception de trainées lumineuses, dont la direction moyenne est similaire à celle du déplacement cristallinien.
L’exploration topo-aberrométrique permet l’étude objective et le suivi de l’évolution des conséquences anatomiques et optiques d’une subluxation du cristallin.
Bonjour Dr j’étude en faculté ophtalmologie mais j’ai fait un examen sur anatomie oculaire. Monsieur a posé la question sur l’examen
Quels sont les milieux transparentes de l’oiel Lui il l’a dit que c’est cornée jusqu’à à chiasma optique Est-ce que c’est vrai au c’est faux svp aide moi pour cette question merci docteur
IL n’y a pas de direction très privilégiée, bien que les lésion des zonules sont souvent plus fréquemment observées en inférieur.
quel est la position la plus fréquemment retrouvée dans la luxation congénitale bilatérale du cristalin lié au syndrome de marfan ??
Merci
Bonjour Dr j ai 48 et je souffre d une grande sécheresse oculaire depuis 2ans et Pio qui jongle entre 16 et 23 dans la journee j’ ai un srabisle divergent perte de vision binoculaire depuis l enfance donc je alterne tous le temps maintenant
J’ ai déjà eu une déchirure de rétine gauche traité par laser et maintenant la rétine de l oeil droit commence à s attrophier
Maintenant quand tourne mes yeux des deux côtés je vois que la vision de déforme sous forme d un rond et ça disparaît quand je vois en face
Il est difficile de trancher sans examen ophtalmologique détaillé, car ces deux conditions (kératocône ou ectopie) peuvent donner les mêmes symptômes visuels et induire un astigmatisme irrégulier (d’origine dite « interne » dans le cas de l’ectopie). Une topographie cornéenne devrait renseigner sur l’origine cornéenne supposée, car l’ectopie est rare et survient souvent dans des contexte particuliers (syndrome de Marfan, etc.).
Bonjour M. Gatinel,
En termes de symptômes visuels, quelle est la différence entre un kératocone et une ectopie du cristallin ? Je vois des trainées lumineuses vers le bas, surtout d’un oeil, et surtout en situation de faible luminosité.
Merci