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Qu’est-ce que le programme d’économie tissulaire (tissue saving) en LASIK ?

Le programme d’économie tissulaire (tissue saving) est une option de traitement proposée par la plateforme laser Technolas/ Bausch & Lomb dans le cadre du traitement « Zyoptix ». Cette option, proposée au début des années 2000 avec ce laser excimer pour la correction de la myopie pour « moins creuser la cornée » (contrôle de la profondeur d’ablation), est en fait une mise à niveau vers un niveau de « consommation tissulaire » conforme aux autres lasers excimers, plus modernes ou conçu selon un mode d’ablation d’emblée moins important. Elle est toutefois présentée comme une « option payante », car elle nécessite l’utilisation d’une carte de traitement qui est facturée par le fabricant (et dont le coût est acquitté au final par le patient). Il est forcément intéressant d’utiliser la stratégie la plus « économe » en tissu, en particulier en LASIK pour les myopies fortes et/ou les cornée fines (prévention de l’ectasie cornéenne) et en ablation de surface (pour limiter la profondeur d’ablation), ce qui rend cette « option » quasi obligatoire dès que l’on doit corriger une myopie moyenne ou forte en LASIK, ou en PKR.

tissu saving écran

L’option « Tissu saving » est proposée sur la page d’accueil du menu de programmation du laser Technolas Bausch and Lomb.

Comparaisons entre différents lasers

Une simulation effectuée sur un patient « virtuel », M John Smith, myope de -6D, permet de comparer la profondeur d’ablation requise en cas de traitement par défaut (« Planoscan ») et de traitement « Zyoptix tissue saving » (laser Technolas Bausch and Lomb).

La correction par le mode « Planoscan » impose une photoablation centrale de 103 microns:

Simluation d'une correction de 6 Dioptries de myopie avec le mode Planoscan: l'ablation maximale centrale est de 103 microns

Simluation d’une correction de 6 Dioptries de myopie avec le mode Planoscan: l’ablation maximale centrale est de 103 microns

La même correction en mode « Tissu Saving » ne requiert que 79 microns, comme le montre la capture d’écran suivante:

Simulation de correction de la myopie (6 Dioptries) en mode "Tissu saving": l'ablation centrale requise est de 79 microns.

Simulation de correction de la myopie (6 Dioptries) en mode « Tissu saving »: l’ablation centrale requise est de 79 microns.

Une économie tissulaire de 24 microns est réalisée (soit presque 25 %), ce qui est loin d’être négligeable, et rend intéressante cette option… avec cette plateforme laser seulement, car comme nous allons le montrer, cette économie n’en est pas une si l’on compare la profondeur d’ablation obtenue en « tissu saving » avec les profondeurs d’ablation par défaut d’autres plateformes lasers.

En effet, la plupart des plateformes laser proposent un mode d’ablation économe en routine: voici par exemple la capture d’écran obtenue après avoir programmé la même correction avec le laser excimer Wavelight EX500 :

En mode standard, (Wavefront optimized), la correction d'une myopie de 6 D avec le laser Wavelight EX500 est légèrement plus économe en tissu que celle délivrée avec l'option " ZyoptixTissu Saving" du laser Technolas Bausch and Lomb!

En mode standard, (Wavefront optimized), la correction d’une myopie de 6 D avec le laser Wavelight EX500 est légèrement plus économe en tissu que celle délivrée avec l’option  » ZyoptixTissu Saving » du laser Technolas Bausch and Lomb!

Ce laser est l’un des plus récents du marché… mais ce n’est pas pour cela qu’il est naturellement plus économe en tissu. La raison principale de cette « économie de routine » est qu’il dispose d’une taille de spots (diamètre) plus faible que celle du laser Technolas Bausch and Lomb (de l’ordre de 1 mm,  contre 2 mm en mode Planoscan avec le Technolas) ce qui autorise une liberté plus grande pour réaliser des patterns d’ablation. D’ailleurs, l’ablation requise pour corriger une myopie de 6 Dioptries avec le laser Nidek EC5000 (technologie par balayage par fente rotative, non dépendante de la taille de spots mais contemporaine de la génération des lasers Technolas Bausch and Lomb – Zyoptix) est du même ordre (environ 75 microns) :

laser Nidek EC5000  ablation myopie 6 dioptries

Simulation d’une correction de myopie 6 D avec le laser Nidek EC5000 (mode d’ablation standard)

 

La même correction délivrée par le laser Zeiss Meditec 80 (introduit au début des années 2000) requiert une ablation tissulaire de… 93 microns, qui est supérieure à celle des lasers Nidek et Wavelight, mais toujours moindre que celle du laser Technolas en traitement Planoscan. Cependant, il n’existe pas de programme d’économie tissulaire avec le laser MEL 80…

MEL80 Zeiss

La correction d’une myopie de 6 Dioptries requiert une ablation tissulaire de 93 microns avec le laser MEL 80 (Carl Zeiss Meditec)

En revanche, la nouvelle plateforme excimer de Zeiss (MEL 90) permet de ramener la profondeur d’ablation au même niveau que celle des plateformes concurrentes :

Le laser MEL90 permet de corriger une myopie de 6D sur une zone de 6 mm en consommant 80 microns d'ablation tissulaire centrale (contre 93 microns avec le laser MEL 80)

Le laser MEL90 permet de corriger une myopie de 6D sur une zone de 6 mm en consommant 80 microns d’ablation tissulaire centrale – ablation  depth –  (contre 93 microns avec le laser MEL 80)

Explications

Il ressort de ces comparaisons que bien que les lois de la physique soient les mêmes pour toutes, certaines plateformes de laser excimer ne « consomment » pas la même quantité de tissu cornéen pour le traitement d’une même puissance de myopie, sur un même diamètre de zone optique. Ceci est du à certaines limitations, dont la taille des « spots » (pour les lasers à balayage par spot dénommés « flying spot lasers »). En effet, un spot de taille 2mm (utilisée en mode Planoscan) n’autorise pas une même précision de motif qu’un spot de 1 mm (de la même manière qu’une mine de crayon permet de dessine des motifs d’autant plus précis qu’elle est fine). Ce manque de précision peut induire une ablation de tissu plus importante (besoin de « lissage ») et répartie sur une zone plus large que celle qui est exigée sur le plan optique (notamment si un astigmatisme est associé). Or, il est toujours préférable de retirer le moins de tissu cornéen possible (prévention de l’ectasie post LASIK). Par ailleurs, le profil d’ablation du laser peut être fondé sur un modèle de profil cornéen asphérique, ce qui peut également induire des variations de profondeur centrale d’ablation.

Sur la plateforme Technolas Bausch and Lomb , l’amélioration obtenue grâce à l’ajout d’un diaphragme sur le chemin optique permettant de réduire la taille des spots à 1 mm s’est faite de concert avec une réduction du volume de tissu cornéen retiré. Cette évolution a donné naissance au concept à connotation marketing de « tissue saving » … qu’il serait plus juste d’appeler « non excessive tissue ablation » !! Ainsi, ce traitement est parfois proposé en option, alors qu’il devrait être proposé en première intention. En effet, il n’y a pas de mystères et selon les incontournables lois de l’optique, il est possible de calculer que pour une dioptrie de myopie sur une zone optique de 6 mm, un traitement de qualité exige l’ablation au centre de 12  microns de tissu cornéen au minimum (un peu plus si l’on ajoute une zone de transition, et encore un peu plus si le traitement est asphérique prolate).

Conclusion

Il est regrettable que le « tissue saving » ait donné naissance à une option de traitement LASIK (donc possiblement facturée en sus !), alors que certains lasers excimers, de conception naturellement économe en tissu, le réalisent directement et sans surcoût pour le patient.

Dans ma pratique, tous les traitements par laser excimer  sont par défaut  les plus économes en volume de tissu cornéen retiré.

2 réponses à “Qu’est-ce que le programme d’économie tissulaire (tissue saving) en LASIK ?”

  1. Dr Damien Gatinel dit :

    Le cornées de votre fils ont a priori l’épaisseur nécessaire pour une correction totale de la myopie avec tous les lasers récents (Wavelight EX500, Schwind Amaris, MEL 90, Teneo, etc.). Le facteur humain est toujours important en chirurgie réfractive, même si la « robotisation » partielle de la chirurgie dissimule, en apparence, cela. Ceci concerne non seulement le geste chirurgical mais aussi sa préparation (prise en charge de la dynamique pupillaire, centrage personnalisé, compensation de la cyclotorsion, etc.. ces options ne sont pas systématiques, requièrent d’utiliser des appareils de mesure directement reliés au laser excimer mais font la différence pour les corrections fortes d’astigmatisme, de myopie et d’hypermétropie). Le geste chirurgical en SMILE est plus chirurgien dépendant car l’étape de dissection et d’extraction du lenticule (après prédécoupe du lenticule par le laser) demeure manuelle et exige de l’expérience et du doigté quand le tissu est plus adhérent à certains endroits de l’interface avant ou arrière du lenticule. Il est donc important de s’adresser à un chirurgien expérimenté en technique SMILE.

  2. Bizot dit :

    Bonjour Docteur,
    Superbe analyse objective.
    Auriez vous les chiffres pour SCHWIND AMARIS® 750S (donc 750 Hz 1.5 sec/ dioptrie annoncé, beam 0.54 mm super gaussien.
    Je prospecte (plutot sur Lyon ou Nantes) pour sélectionner le site optimal pour mon fils ( -6.75D + cylindre -1.75D , cornée 570 mu environ ) . à qui l’on vient plutôt de proposer la version SMILE qui n’était pas votre préférée en 2018.
    Le facteur humain est il prépondérant ou secondaire pour ces techniques fortement automatisées?
    Bien cordialement
    Hervé

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