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Justification de l’hypothèse mécanique du kératocône

Les frottements oculaires répétés ne sont pas un facteur de risque du kératocône : il en sont la cause nécessaire. 

 

D’après mon expérience fondée sur l’étude de dizaines de cas bien suivis et documentés de manière approfondie, il apparaît que les frottements oculaires (ou les stress mécaniques répétés exercés sur la cornée) ne sont pas la conséquence du kératocône, ni même un simple facteur de risque associé, mais très probablement LA cause du kératocône.

Le cornée peut être assimilée à une coque munie d’une certaine épaisseur et résistance, et dont la géométrie à l’équilibre dépend de la différence entre la pression intraoculaire (exercée sur sa surface postérieure) et la pression atmosphérique. La forme relativement harmonieuse du dôme cornéen découle de l’homogénéité de la réponse biomécanique de la cornée aux forces qui s’y appliquent (résistance égale pour les points situés à une même distance au sommet de la cornée). 

Les contraintes mécaniques (compression, cisaillement) véhiculées par les frottements sont responsables d’une fragilisation biomécanique: un amincissement se produit au niveau de la zone où s’exercent les frottements. Quand les patients se frottent les yeux,  ils le font au travers des paupières qui sont fermées. Le globe oculaire subit une rotation vers le haut quand l’oeil est fermé. La zone d’impact maximale des frottements se situe généralement au niveau de la moitié inférieure de la cornée. Les mouvements de frictions latéraux ont également tendance à fragiliser préférentiellement le quart inféro externe de la cornée. La redistribution de la matrice extra cellulaire s’effectue de la zone frottée vers la périphérie. Cet amincissement est associé à une « tendérisation » du tissu frotté, elle-même provoquée par l’augmentation de la température (transfert d’énergie calorique) et la rupture progressive de liaisons intermoléculaires.

Au delà d’un certain seuil, survient une décompensation biomécanique liée à la rupture de l’arrangement harmonieux des fibres collagènes, ce qui provoque une déformation irréversible de la cornée (ce mécanisme est analogue au « flambage » en résistance des matériaux).

Selon l’auteur de cette page, le kératocône ne peut apparaître ou évoluer sans l’action d’une force mécanique externe, qui est véhiculée par les mains (doigts ou phalanges) des patients qui se frottent excessivement les yeux. Ce concept est à l’origine de la conjecture « No Rub, No Cone » (« Pas de frottements, Pas de Cone »).

Cette théorie est fondée sur de nombreuses observations cliniques effectuées lors du diagnostic et du suivi du kératocône, ainsi que déductions logiques.

Elle est confirmée par l’arrêt de l’évolution du kératocône dès l’arrêt des frottements oculaires (dont les patients n’ont pas toujours conscience lors du diagnostic).

Par ailleurs, il n’est pas difficile de montrer les incohérences de la théorie classique, qui attribue une origine génétique moléculaire (mais toujours inconnue) au kératocône.

Elements en faveur de la théorie mécanique:

– La réalisation de frottements oculaires excessifs précède toujours l’apparition du kératocône. Les patients signalent souvent une recrudescence des frottements oculaires (allergie, fatigue visuelle, surmenage avec travail sur écran) dans les deux ou trois ans précédent l’apparition des symptômes visuels consuisant à la découverte du kératocône. Des patients ayant soudain développé l’habitude de se frotter les yeux (exposition à des poussières en milieu professionnel) ont par exemple développé un kératocône bilatéral en quelque mois ou années (2 à 3 ans en moyenne).

– L’œil où les frottements oculaires sont plus marqués et vigoureux présente en général une déformation plus importante.

– La manière dont les patients se frottent les yeux influe sur le risque de kératocône: les forces exercées sur le dôme cornéen par les doigts et particulièrement les os des phalanges lors des frottements sont certainement suffisamment intenses pour provoquer une rupture des jonctions reliant entre elles les fibres collagènes du stroma cornéen antérieur.  Les patients qui frottent régulièrement leurs yeux avec les phalanges plutôt que la pulpe des doigts sont ainsi particulièrement à risque de développer un tableau de kératocône. Ces frottements sont vigoureux et répétés, et provoquent une modification définitive de l’architecture du dôme cornéen, en raison d’une fragilisation biomécanique progressive, aboutissant à une perte de la régularité du galbe cornéen.

–  Certains patients, ne se frottant qu’un œil, développent un véritable kératocône unilatéral.

Bien que dans la grande majorité des cas, on observe des anomalies topographiques bilatérales (un oeil ressenti comme « non atteint » par le patient, avec une vision conservée, présente en fait bien souvent quelques anomalies topographiques), il existe d’authentiques formes unilatérales. Ces formes se rencontrent chez les patients qui ne se frottent qu’un oeil. Ceci est assez rare, car les causes des frottements oculaires, comme l’allergie, sont souvent source d’une irritation oculaire bilatérale (et de frottements bilatéraux, qui peuvent toutefois être plus intenses et prolongés d’un côté). Dans quelques cas de formes unilatérales, une position de sommeil résultant d’un appui prolongé d’un oeil avec l’oreiller semble être une piste très plausible pour rendre compte d’une irritation unilatérale, et de frottements unilatéraux.

– L’atteinte histologique  et biomécanique observée au cours du kératocône est focale.

Les études réalisées sur des cornées atteintes de kératocône révèlent que seule une partie du tissu cornéen semble atteinte dans le kératocône. Il s’agit (« étrangement ») de la région centrale ou paracenrale de la cornée, et des couches les plus superficielles de ce tissu. Une affection d’origine primitivement biomoléculaire n’est pas à même d’expliquer ce caractère focal. En revanche, l’action des frottements (leur zone d’impact) étant exercée de manière différentielle sur une portion restreinte de la cornée, fait qu’il est logique d’observer des lésions locales vers le sommet de la cornée, et l’abscence d’anomalies particulières à la périphérie du dôme cornéen (qui est soustraite à l’effet direct des frottements).

– Quand les patients atteints de kératocône arrêtent strictement de se frotter les yeux, et n’exercent plus de contrainte mécanique sur leur(s) cornée(s), le kératocône ne progresse plus. Dans ce contexte, la réalisation d’un cross-linking, dont l’efficacité objective est douteuse, devient superflue.

– Enfin, et c’est une évidence, les frottements oculaires sont des agents vulnérants exercés au contact direct de la cornée (au travers des tissus mous des paupières)

 

Incohérences de la théorie génétique et moléculaire

La thèse classique selon laquelle le kératocône serait une maladie multifactorielle dont le support serait une anomalie génétique et moléculaire est pourtant démentie par la réalité clinique du kératocône.

Cette théorie échoue à expliquer:

– la rareté des formes familiales (85% de formes sporadiques environ).

Dans la grande majorité des cas, le kératocône est découvert chez un sujet d’une famille où la maladie était jusque là inconnue. Même en recourant à l’hypothèse d’une affection à pénétrance variable, la rareté des formes familiales devrait plutôt faire rechercher des causes environnementales au kératocône. Un sujet isolé atteint de kératocône est celui de sa famille qui présente des facteurs de risque de frottements oculaires répétés (allergies, fatigue chronique avec travail prolongé sur écran, etc.). La présence d’un kératocône chez des sujets apparentés ne prouve pas que le kératocône est primitivement génétique; ce sont les facteurs de risques pour les frottements oculaires (allergies) qui le sont et qui surviennent alors que les membres d’une même fratrie vivent généralement dans un même environnement (même allergènes, même degré de sécheresse et de contenus irritants de l’atmosphère, etc.).  

– le fait qu’un côté puisse être plus atteint (ou le seul atteint).

Comment une anomalie génétique, à l’origine d’une protéine défectueuse, pourrait-elle s’exercer sur un oeil plus que l’autre, voire sur un oeil sélectivement? En réalité, ce sont les frottements (leur fréquence, leur intensité), qui expliquent généralement la latéralité du kératocône. Les patients qui ont un kératocône plus marqué de l’oeil gauche ont tendance à se frotter plus vigoureusement et plus fréquemment l’oeil gauche, et inversement. La position de sommeil semble en mesure d’expliquer, dans bien des cas, pourquoi un oeil est plus frotté que l’autre…

– l’âge de survenue variable.

Le kératocône peut apparaître (être découvert) dans l’enfance, à l’adolescence, ou l’âge adulte. L’âge d’apparition découle en fait de l’âge de début des frottements oculaires excessifs. Les enfants qui présentent des allergies sévères, avec rhino-conjonctivites saisonnières présentent les premiers symptômes de l’affection vers l’adolescence. Quand le kératocône apparaît après la vingtaine ou la trentaine, on retrouve également souvent un terrain allergique mais aussi la notion de travail soutenu sur écran, et une inversion des rythmes veille/sommeil (ex : travail de nuit). Dans tous les cas, la réalisation de frottements oculaires excessifs précède de quelques années la découverte du kératocône.

 

Voir également:

Visionner une présentation justifiant la conjecture « No rub, no cone »: 

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