Aberrométrie et kératocône
Ces cartes OPD SCAN 3 ont été relevées chez un patient de 30 ans atteint de kératocône bilatéral. Le patient se frottait les yeux depuis l’adolescence (terrain atopique responsable d’un prurit oculaire chronique: les frottements oculaires suffisent à provoquer une déformation cornéenne marquée, qui est étiquetée « kératocône »). L’acuité visuelle corrigée en lunettes était de 10/10: le patient signalait l’impression d’une vision dédoublée, et l’impression que la vision « chutait » à la tombée de la nuit, avec des halos nocturnes.
Les aberrations optiques de haut degré sont élevées en présence d’un kératocône. Elles résultent essentiellement de la déformation de la surface cornéenne antérieure (asphérisation négative, asymétrie, hypercambrure paracentrale). La face postérieure subit également une déformation concomitante.Toutefois, le signe négatif de la différence d’indice entre stroma cornéen et humeur aqueuse attribue un rôle de compensation aux effets induits par la face antérieure (noter l’aspect opposé du déphasage dominé par les aberrations de type coma au niveau du front d’onde interne, vis à vis du front d’onde cornéen). L’adaptation d’une lentille rigide démasque parfois ce contingent interne d’aberrations de haut degré.
Il est possible d’afficher les valeurs RMS de chaque aberration optique (représentée par un terme = polynôme de Zernike). Noter l’élévation des aberrations de type coma, trefoil, classique dans le cas de la mesure d’un oeil atteint de kératocône.
La qualité de l’image rétinienne peut être calculée à partir de ces données aberrométriques. L’image d’un point source sur la rétine (Point Spread Function) permet d’étudier la réduction du stigmatisme. La convolution de la PSF avec une image de référence fournit une représentation de l’image projetée sur la rétine par les dioptres oculaires. Elle permet d’objectiver l’existence d’une réduction du contraste des images, d’un dédoublement de celles-ci, etc. Ces manifestations sont fréquentes en cas de kératocône. La MTF est une courbe qui explore la réduction du contraste de l’image rétinienne, elle est représentée pour différents diamètres pupillaires: en cas de dilatation pupillaire, le taux des aberrations optique augmente et le contraste diminue.
Cette carte peut être recalculée pour montrer l’effet des seules aberrations de haut degré; il s’agit d’évaluer la qualité optique de l’oeil une fois la myopie et l’astigmatisme corrigés au mieux (avec les meilleures lunettes possibles). Même si l’on observe logiquement une amélioration notable de la qualité optique de l’oeil étudié, l’effet de l' »astigmatisme irrégulier » (aberrations de haut degré) demeure, et doit être rapproché des plaintes visuelles du patient (sensation d’une vision dédoublée et moins contrastée).
En particulier, l’étude de ces symptômes peut être effectuée par une opération de convolution: il s’agit de calculer l’effet des aberrations de haut degré sur la vision du patient, en « convoluant » l’image de référence avec la PSF, elle même calculée à partir des aberrations de haut degré.
La représentation de l’étoile de Siemens (« Siemens star ») permet d’étudier de manière plus indépendante l’effet des aberrations optiques de haut degré sur les fréquences spatiales, en terme de contraste mais aussi de « phase » (décalage entre les secteurs noirs et blancs adjacents). La myopie et l’astigmatisme induisent des inversions de phase plus marqués sur certaines fréquences spatiales, ce qui rend l’image particulièrement brouillée. Voici une image « de référence » d’une Siemens star :
Pour l’œil atteint de kératocône, on note qu’il existe (en l’absence de toute correction optique) certaines fréquences susceptibles d’être identifiées, selon un axe oblique: cet axe résulte de l’interaction entre l’astigmatisme et l’aberration de type coma:
La carte « Siemens Star » est ici recalculée pour les seules aberrations de haut degré. Elle révèle la prédominance d’une réduction globale du contraste, et l’absence d’inversion de phase.
Les lentilles rigides sont à même de supprimer certaines aberrations liées au kératocône, car elles compensent les déformations de la cornée (les lentilles souples « absorbent » moins ce type de déformation).
Bonjour, un patient atteint dE kératocone avec 12/10 faible aux deux yeux avec des lentilles souples, mais des aberrations cliniques, peut il trouver un bénéfice avec des lentilles rigides ? merci.
beau travail très utile et sert de référencement de compréhension de notions pas trop simples