Asymétrie cornéenne
L’asymétrie de la cornée est une caractéristique observée en topographie cornéenne. Il est important de la détecter et de la quantifier, car elle est un marqueur important pour la détection précoce du kératocône (kératocône fruste), en particulier dans ses formes d’orientation verticale ou oblique.
Définition de l’asymétrie
L’asymétrie cornéenne est définie par une différence de courbure marquée entre des hémi-méridiens opposés (ex : hémi-méridien 90°, hémi-méridien 270°) : un secteur de la cornée est plus cambré que le secteur opposé.
Voici un exemple schématique tridimensionnel de surface cornéenne asymétrique :
La cornée présente cependant une asymétrie physiologique: elle est généralement moins cambrée en nasal qu’en temporal. Ceci est en partie lié au fait du décalage nasal du vertex cornéen, sur lequel est centré l’examen en topographie spéculaire, et de l’asphéricité cornéenne physiologique prolate.
Traduction topographique de l’asymétrie :
En courbure
Une distribution asymétrique du gradient de courbure topographique traduit la différence de cambrure entre certains hémi-méridiens opposés.
Voici un exemple de topographie cornéenne obtenue chez un patient atteint de kératocône.
Une distribution de la courbure asymétrique s’associe souvent avec un déplacement de l’apex qui s’éloigne de la région centrale, dans la direction des hémi méridiens les plus cambrés. Il est important de garder à l’esprit que cette carte (courbure axiale) découle de l’étude du rayon de courbure local de la cornée (et non d’une représentation de la forme spatiale de la cornée). Les zones représentées en couleurs chaudes sont « plus cambrées » (plus petit rayon de courbure).
La cornée étant généralement légèrement plus plate dans sa portion nasale, un certain degré asymétrie horizontale (par rapport à l’axe vertical) est couramment retrouvé pour des cornées normales et elle se manifeste par des couleurs plus froides du côté nasal par rapport au côté temporal de la cornée, alors que l’apex demeure relativement central.
Toute augmentation de l’asymétrie, en particulier quand elle est oblique ou verticale et associée à un déplacement de l’apex doit faire suspecter la présence d’une atteinte de la cornée telle que le kératocône ou la dégénérescence pellucide marginale.
Aux stades précoces du kératocône, l’asymétrie se caractérise souvent par un aspect de nœud papillon asymétrique (« asymetric bow tie ») dont l’orientation suit la direction de la partie plus cambrée de la cornée. Aux stades les plus précoces (kératocône infraclinique de forme fruste), seule la présence d’une zone légèrement plus cambrée en paracentral inférieur peut être observée, avec une déviation de la direction d’un des hémi-méridiens les plus cambré par rapport à l’autre (skewed radial axes : SRAX).
Aux stades avancés, l’asymétrie extrême se combine avec une asphéricité négative (prolate) plus importante et résulte en un aspect où ressort nettement une zone décentrée plus cambrée.
Insistons sur le fait qu’il est important de détecter et de quantifier l’asymétrie afin de pouvoir élaborer des outils de dépistage du kératocône en chirurgie réfractive; toute asymétrie n’est pas forcément synonyme de kératocône fruste, et il faut rassembler d’autres indices pour accréditer cette hypothèse diagnostique (contexte clinique, épaisseur cornéenne, etc.). Les frottements oculaires répétés expliquent une très grande proportion des cas topographiques d’asymétrie cornéenne (les frottements oculaires expliquent selon l’auteur du site la survenue du kératocône). Il est également frappant d’observer la corrélation entre des formes d’asymétries cornéennes isolées et le fait de dormir sur le ventre ou le côté, en appuyant de manière prolongée sur l’oeil (oreiller ou main).
En dehors des frottements et de ces causes traumatiques chroniques, la cornée peut subir une déformation aiguë consécutive à une infection (abcès), ou la délivrance d’une correction laser décentrée.
L’exemple suivant correspond à un décentrement de la correction d’une myopie en laser de surface (PKR), survenue au milieu des années 90, quand les premiers lasers excimers de disposaient pas en routine de système d’asservissement aux poursuites oculaires (eye-tracker). Lors de la reprise chirurgicale par traitement personnalisé (topographiquement guidé), pour soulager le patient de symptômes de vision dédoublée, à nouveau en PKR, on observe bien la zone de traitement décalée en inférieur. La PKR initiale ayant ôté localement la couche lisse de Bowman, la plus superficielle du stroma de la cornée (mise à nu après retrait de l’épithélium), on observe grâce à la réduction du reflet le décalage de la zone de photoablation en inférieur après retrait de l’épithélium.
Divers indices issus des cartes de courbure et permettant de quantifier l’asymétrie ont été décrits, ils reposent sur les différences de courbures notées entre hémiméridiens et/ou hémi cornée supérieure et inférieure (ex: valeur I-S, qui est utilisée dans le calcul de la valeur du Score avec le logiciel SCORE Analzyer). Ces indices sont utiles au dépistage du kératocône (voir le site dédié au logiciel SCORE Analyzer)
En élévation
En topographie d’élévation, l’asymétrie horizontale physiologique est responsable, dans les cornées normales, d’un léger décentrement temporal et de différences entre les points situés respectivement en temporal et nasal dans la distribution relative de leur élévation respective par rapport à la sphère de référence.
Aux stades précoces du kératocône, l’asymétrie se traduit également en élévation par une réduction de la symétrie axiale par rapport à l’axe horizontal. Un léger décalage vers le bas de la bande d’élévation horizontale (« promontoire ») sur les cartes d’élévation de la cornée antérieure peut être observé.
L’asymétrie cornéenne peut être mieux dévoilée par l’utilisation d’une contrainte d’alignement (par exemple, mode « axis ») pour le calcul de la sphère de référence (Best Fit Sphere – BFS) puisque le mode « float » permet à la sphère de s’éloigner du centre, réduisant dès lors l’asymétrie apparente sur les cartes d’élévation. Le mode « axis » contraint la sphère à demeurer alignée avec le centre géométrique de la cornée.
En pratique, la composante asymétrique n’est que très rarement isolée, et accompagne selon les circonstances cliniques divers degrés de toricité et d’asphéricité. Dans le kératocône, la toricité et l’asphéricité négative sont souvent plus prononcées que pour une cornée normale.
La figure suivante, établie à partir d’un logiciel de simulation mathématique (Maple) résume les aspects topographiques caractéristiques observés en courbure et en élévation quand l’asymétrie se combine avec de l’asphéricité et/ou de la toricité.
Il est important de noter que l’interprétation clinique d’une asymétrie topographique repose sur le contexte clinique, et d’autres paramètres topographiques comme l’évolutivité, et l’existence ou non d’une asymétrie controlatérale comparable (préservation de l’énantiomorphisme, qui caractérise la symétrie en miroir entre œil droit et œil gauche).
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