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L’origine du kératocône

Les frottements oculaires

Contrairement à ce que l’on trouve dans les traités officiels, l’origine du kératocône ne fait guère de mystère pour qui se penche sérieusement sur cette question. Une autre page de ce site est consacrée à a théorie des frottements oculaires excessifs (voir également cet article et lire ce dossier consacré au kératocône)

Les frottements oculaires excessifs sont l’ingrédient indispensable à l’apparition d’un kératocône: « No rub, no cone » / Pas de frottements, pas de kératocône !).

 Selon cette conjecture qui se vérifie tous les jours en pratique clinique, le rôle prépondérant (nécessaire et suffisant) des frottements oculaires répétés est responsable de la genèse de la déformation cornéenne. Cette déformation est éventuellement accentuée ou favorisée par l’existence d’une compression nocturne chronique (appui de l’œil sur l’oreiller, qui est toutefois possiblement source d’une irritation chronique, elle-même source de prurit, et in fine de frottements en réponse à ce prurit).
L’imagerie dynamique IRM permet d’objectiver l’importance du traumatisme qu’infligent les frottements oculaires non seulement à la cornée (ce qui cause le kératocône), mais aux structures oculaires et orbitaires:

Bien évidemment et fort heureusement, tous les patients susceptibles de se frotter les yeux ne développent pas de kératocône, tout comme tous les patients qui s’exposent à la lumière du soleil ne sont pas victimes d’un coup de soleil: tout dépend de la dose d’UV reçue, et du phénotype cutané.
La survenue du kératocône pourrait donc être aussi dépendante d’un terrain génétique particulier. Ce terrain ne serait pas univoque ni spécifique, mais correspondrait l’induction d’un phénotype de cornée (« kératotype« ) plus « fragile » (cornée nativement plus « molle », plus « fine »), et donc plus prompte à se déformer sous l’action d’un stress mécanique (les frottements) qu’une cornée plus épaisse et rigide.
La prédisposition génétique à un déséquilibre immunitaire conduisant aux allergies pourrait aussi jouer un rôle confondant, mais en favorisant les frottements digitaux répétés des globes oculaires: il est ainsi facile d’expliquer l’association entre allergie et kératocône.
–>Voir également argumentaire récemment rapporté par la revue Ophthalmology times
Le kératocône est une déformation irréversible de la cornée avec amincssement localisé qui survient quand le stress mécanique répété excède la capacité de résistance biomécanique de la cornée.
La vidéo suivante représente un exemple caricatural de frottements oculaires susceptible de provoquer l’apparition d’un kératocône:

 L’image suivante correspond à l’examen topographique Pentacam de l’œil droit de cette patiente, qui s’est frotté les yeux dans l’enfance, jusqu’à l’âge adulte, et qui présente un kératocône bilatéral très évolué.
kératocone et amincissement, carte Pentacam Overview
Cette carte est obtenue grâce à un balayage par caméra Scheimpflug (topographe Pentacam) dont une des images est représentée en haut. Cette coupe optique du segment antérieur révèle la déformation du galbe cornéen et l’amincissement central. En bas à droite, la carte de courbure sagittale montre une cambrure très accentue au centre, avec réduction périphérique rapide.

Les conséquences de frottements oculaires répétés associent:

  • – amincissement épithélial
  • – augmentation de la température locale
  • – augmentation de médiateurs pro inflammatoires dans les larmes
  • – élévation brutale de la pression intraoculaire
  • – redistribution de la matrice extracellulaire
  • – contraintes en torsion et compression des fibres collagènes du stroma cornéen
  • – déplacement des fibres collagènes
  • – lésions cellulaires (apoptose des kératocytes) liées à des modifications de pression mécanique et hydrostatique

Tous ces mécanismes peuvent concourir à la décompensation biomécanique du dôme cornéen et entraîner une déformation irrégulière de celui-ci sous l’effet de la pression intra-oculaire. Cette déformation est spécifique; ses caractéristiques ne sont pas celles que l’on observe après lésion inflammatoire de la cornée (amincissement mais aplatissement localisé), ou au cours d’affection génétiques responsables d’une réduction de la rigidité cornéenne native, sans frottement (amincissement diffus mais réduction globale de la cambrure cornéen par effet de distention progressive).

Le diagnostic kératocône est toujours confirmé par la réalisation de la topographie cornéenne. La constatation de certaines déformations mineures évocatrices comme une zone de cambrure marquée en inférieur est souvent associée à l’existence d’une position de sommeil particulière, provoquant un appui et une compression prolongée de l’une ou des deux cornées.
La topographie cornéenne est souvent effectuée trop tard, quand la déformation a conduit à l’apparition d’un astigmatisme important avec baisse de vision ressentie. Avant ce stade, survient généralement un astigmatisme léger, typiquement d’orientation inverse ou oblique, qui traduit un affaiblissement de la cornée centrale (avec aplatissement vertical et cambrure inféro latérale par effet de couple).
La découverte d’un astigmatisme même léger ou son évolution lors d’un contrôle de routine doit faire rechercher la présence de frottements oculaires excessifs et réaliser une topgoraphie cornéenne au moindre doute. Il sera possible d’enrayer l’évolution vers une déformation plus importante si l’on obtient l’arrêt des frottements. 
Voici deux exemples caractéristiques d’association entre déformation asymétrique de la cornée (et beaucoup plus marquée d’un côté que de l’autre):
pillow hugging
Patient présentant une baisse d’acuité visuelle de l’oeil droit. La topographie spéculaire révèle la présence d’une hypercambrure temporale inféro-externe de la cornée de l’oeil droit. Le patient, interrogé sur sa position favorite pour dormir, signale qu’il enfouit sa tête dans l’oreiller, en « appuyant » avec les mains sous son oeil droit. Il se frotte l’oeil droit le matin au réveil
pillow hugging
Comme dans l’exemple précédent, ce patient mime sa position de sommeil qu’il pense être systématique: la tête est enfouie dans l’oreiller, avec appui ressenti sur l’œil droit. La topographie axiale cornéenne de l’œil droit présente une hyper-cambrure inférieure. Ce patient se frottait (à son insu, il n’en avait pas conscience jusqu’à la première consultation) les yeux, avec une prédilection pour l’œil droit.

 

 Quelle place pour la génétique?

Malheureusement, selon la plupart des auteurs, les causes et le mécanisme exact d’apparition du kératocône demeurent inconnus, et resteraient donc à élucider. Les frottements et la compression ne seraient pour eux que des facteurs de risque associés, et facultatifs pour expliquer à la survenue de la maladie (ce que réfute l’auteur de ce site, un kératocône ne pouvant pas urvenir de manière purement « bio-moléculaire »; en effet, les affections cornéennes ou générales susceptibles de conduire à un ramollissement cornéen global, ou son inflammation chronique conduisent en général à un aplatissement cornéen plus ou moins régulier, et non une cambrure centrale ou paracentrale marquée comme pour le kératocône).
Ainsi, une origine génétique supposé du kératocône a été suggérée à partir du résultat de certaines études épidémiologiques. L’étude des arbres généalogiques a fait envisager plusieurs modes de transmission possibles. Le mode de transmission autosomique dominant à pénétrance variable serait le plus probable. Des probabilités de l’ordre de 10% pour développer la maladie ont été accordées à un sujet lorsque l’un des deux parents est porteur d’un kératocône. A ce jour aucune étude n’a permis de dégager un typage particulier à cette pathologie.
Des cas avec transmissions de type autosomique dominant ou récessifs ont été décrits, mais on ne retrouve des antécédents familiaux que dans 6 à 24% des cas (ce qui implique que 80% des cas de kératocône soient sporadiques).
Quelques loci et gènes ont par ailleurs été retrouvés dans le cadre d’études familiales.
Néanmoins, il est difficile, devant une atteinte familiale, de faire la part entre l’hérédité et l’action de facteurs de risques communs sur les membres d’une même famille. Les facteurs génétiques dégagés par certaines études pourraient être indirectement lié au kératocône (ex: susceptibilité à développer des allergies, dont l’expression oculaire conduit à des frottements oculaires, cornées fines: l’épaisseur cornéenne est un trait hautement génétique).
Certains cas de récidive du kératocône sur des patients ayant bénéficié d’une kératoplastie transfixiante suggéreraient (sans démontrer) un processus actif avec une re-prolifération de kératocytes anormaux par la périphérie de la cornée. Ces récidives pourraient également correspondre à la greffe d’une cornée provenant d’un donneur lui même atteint d’une forme débutante ou méconnue de kératocône, ou encore une mauvaise interprétation de la topographie cornéenne effectuée en postopératoire. Toute zone de cambrure accentuée sur un greffon ne doit pas s’interpréter comme une récidive de kératocône mais plutôt un astigmatisme irrégulier lié aux tractions exercées par les fils de sutures. Enfin un patient continuant de frotter un oeil greffé a toutes le chances d’induire une déformation ayant pour siège la cornée transplantée.
Enfin, il existe des cas bien documentés de jumeaux monozygotes discordants (seul un des jumeaux est atteint): leur existence démontre le caractère non primitivement génétique du kératocône. Ici un exemple frappant.
L’auteur de ce site considère au contraire que le kératocône est provoqué et entretenu par les frottements oculaires ou tout autre stress mécanique de la cornée, et qu’en l’absence de ceux-ci, il n’est pas possible de développer cette affection: « No rub No cone« 
 
Quand les patients cessent strictement de se frotter les yeux, on observe en toute logique la stabilisation de l’affection, qui est objectivée sur les cartes de topographie cornéenne, et est documentée de manière statistique ici
Absence de progression du kératocône de l'oeil droit : comparaison de cartes topographiques (OPDscan III)
Absence de progression du kératocône de l’oeil droit : comparaison de cartes topographiques (OPDscan III) réalisées à 6 mois d’intervalle. Lors de la découverte du kératocône, le patient a été informé de la nécessité de ne plus se frotter les yeux. La cessation totale de cette habitude a permis de stopper l’évolution du kératocône débutant.
Absence de progression du kératocône de l'oeil droit : comparaison de cartes topographiques (OPDscan III)
Absence de progression du kératocône de l’oeil gauche: comparaison de cartes topographiques (OPDscan III), qui révèlent également l’absence de progression du kératocône, après la cessation des frottements oculaires.

Architectonique cornéenne

Le kératocône se traduit par un déséquilibre architectural global qui altère les résistances biomécaniques de la cornée. La cornée est un tissu biologique très transparent. Cette transparence est liée en partie à l’agencement régulier et l’entrelacement de lamelles de collagènes,
De nombreuses études révèlent une activité enzymatique globalement augmentée ayant pour conséquence une altération architecturale du collagène, et de l’arrangement orthogonal des lamelles entre elles. Le diamètre des fibres de collagène est altéré avec une diminution de l’espace interfibrillaire. Les études histologiques ont également rapporté une nette diminution de la densité cellulaire intrastromale dans le kératocône. La proportion des différents constituants de la matrice extracellulaire semble également modifiée.
Ainsi, l’organisation des lamelles de collagène est profondément altérée dans les cornées kératoconiques et une diminution de leur entrelacement a été démontrée. De plus leur orientation préférentielle dans le stroma postérieur est plus oblique et moins régulière, ce qui modifie également les propriétés biomécaniques de ces cornées.
Cette désorganisation pourrait être provoquée par la répétition de mouvements répétés (les frottements oculaires), dont l’énergie est suffisante, à l’échelle de la cornée, pour en perturber l’agencement harmonieux.
L’épithélium, qui est une couche cellulaire stratifiée (plusieurs couches de cellules épithéliales, dont les plus superficielles sont les plus aplaties), contribue à limiter la déformation du galbe cornéen antérieur. Ceci est particulièrement évident en cas de kératocône évolué, comme illustré ici:
OCT haute résolution kératocone, epithélium vs stroma
Cartes obtenues par une mesure OCT (coupe verticale en haut, verticale en bas). La déformation du galbe cornéen est très prononcée. La déformation du profil antérieur de la cornée est en partie atténuée par l’épithélium cornéen, dont l’épaisseur est modulée de manière à limiter les variations de courbures du stroma antérieur sous-jacent.

Malgré le caractère global de la déformation du dôme cornéen, la face antérieure de la cornée présente généralement un aspect « moins tourmenté » que sa face postérieure:

imagerie HR profil cornéen
Le re-lissage de la couche épithéliale superficielle est bien mis en évidence sur cette coupe en imagerie haute résolution. La face postérieure présente une déformation qui, en l »absence d’une couche cellulaire aux propriétés « plastiques », ne peut être atténué. L’épithélium cornéen est une couche pluri-stratifiée dont la plasticité, sous l’influence des milliers de clignements quotidiens, permet un lissage global de la face antérieure de la cornée (flèche orange), alors que la face postérieure présente souvent en regard des variations plus marquées de sa courbure (flèches bleues). L’épithélium a la possibilité de s’épaissir, ou s’amincir (flèche verte) en regard du sommet cornéen. On observe également la prédominance des lésions vers le sommet de la cornée, qui épargnent sa périphérie: les frottements s’exercent principalement contre le sommet de la cornée. Des modèles expérimentaux et l’étude de cornées atteintes de kératocône confirme le caractère focal (local) du kératocône.

 

 

Kératocône et facteurs généraux

L’étude de la littérature médicale permet de retrouver des associations entre kératocône et certaines affections générales:

– L’atopie (allergie)

Il se trouve que beaucoup de patients souffrant de kératocône ont une prédisposition aux allergies, et développent souvent un eczéma, une conjonctivite allergique et/ou une rhinite printanière. En effet, la présence d’un terrain atopique est retrouvée pour près de 50% des cas, alors que sa fréquence en est seulement de 10% dans la population générale . Ces données suggèrent qu’il existerait une relation entre le kératocône et un dérèglement du système immunitaire. En pratique, il est évident qu’un terrain atopique favorise les sensations de prurit oculaire et les frottements oculaires digitaux répétés: ces frottements sont, dans l’opinion de l’auteur de ce site, un élément nécessaire à l’apparition de la maladie.

– Les hormones

L’apparition du kératocône est souvent notée aux alentours de la puberté, ce qui soulève l’hypothèse (non démontrée) que certaines hormones ou un dérèglement du système endocrinien [6] soient en cause [5]. En réalité, l’existence de frottements oculaires répétés dès la petite enfance pourrait expliquer l’apparition de la maladie à cette période de la vie. Le kératocône peut également apparaître plus tard dans la vie. L’hypothèse d’un dérèglement hormonal est donc peu plausible. Certains déséquilibres hormonaux favorisent l’apparition d’une sécheresse oculaire chronique, qui est elle- même source de prurit oculaire accru.

– Les maladies générales

Le kératocône serait plus fréquemment rencontré chez des personnes ayant une autre maladie génétique ou ophtalmologique, telle que la trisomie 21, la rétinite pigmentaire, l’amaurose congénitale de Leber, la maladie d’Ehler-Danlos, l’osteogenesis imperfectum, le syndrome oculo-digital, le syndrome d’Appert, la dystocie cranio-faciale de Crouzon, le prolapsus de la valve mitrale… Une partie de ces troubles ou syndromes favorise la présence de frottements oculaires (ex: stimulation rétinienne par frottement oculaire dans le cadre de l’amaurose congénitale de Leber).
Dans ces formes associées, une anomalie du collagène ou des protéoglycanes est certainement à l’origine des signes oculaires et généraux. Les frottements oculaires incoercibles sont souvent notés chez les patients atteints de trisomie 21 (syndrome de Down). Il est difficile d’attribuer un lien direct entre kératocône et facteurs généraux. Le syndrome de Marfan est une affection qui est responsable d’une fragilisation générale des tissus élastiques de l’organisme; cette affection n’est pas responsable, comme on pourrait s’y attendre, d’un tableau ophtalmologique évocateur de kératocône. Au contraire, la cornée des patients est plutôt fine mais plate (distension progressive des tissus oculaires).

– Facteurs mécaniques et irritatifs – position de sommeil

Les antécédents de frottements oculaires répétés sont fréquemment signalés dans la littérature à propos de sujets atteints de kératocône. La prévalence de ces frottements oculaires est évaluée entre 66 et 73%. Cette notion est particulièrement intriquée avec le terrain atopique, et la trisomie 21, par le biais de frottements oculaires compulsifs et souvent difficiles à réprimer.
Une étude a montré que la déformation de la cornée tendait à être plus accentuée du côté de la main dominante. De fait, le frottement des yeux doit être proscrit, en particulier pour les formes débutantes de la maladie, pour en enrayer la progression.
Le démaquillage vigoureux peut être une  circonstance où des frottements potentiellement délétères pourraient être exercés contre la cornée. On remarque parfois, chez les femmes qui avouent une technique de démaquillage énergique, la présence d’une légère déformation cornéenne (cambrure inférieure marquée).
Le retrait des lentilles de contact est un autre moment préférentiellement associé à la survenue de frottements. Le soir, les patients qui tolèrent mal les lentilles ont tendance à « soulager » cette irritation en frottant vigoureusement leur yeux.
La compression prolongée de l’œil au cours du sommeil (patients dormant la tête dans l’oreiller, quand le corps est positionné sur le côté, ou sur le ventre) est également très fréquemment retrouvée chez les patients atteints de kératocône. L’œdème cornéen nocturne rend certainement la cornée plus fragile à un stress mécanique comme les frottements.
Les patients qui dorment sur le même côté, ou qui alternent mais s’appuient contre un oreiller au niveau des tempes ou des joues présentent parfois des aspects évocateurs de kératocône débutant en topographie cornéenne (cambrure marquée en inférieur sur la topographie cornéenne). Un mécanisme de compression répétée (pression sur l’oreiller, etc.) pourrait engendrer cette déformation qui aboutit un pattern topographique évocateur de kératocône, mais caractérisé par un plus faible amincissement central que les formes liées aux frottements oculaires digitaux.
Il est plus probable que la compression oculaire prolongée la nuit provoque une irritation oculaire par le biais de :
– une élévation de la température locale
– une contamination de la surface oculaire par des irritants, allergènes, etc.
– une éversion possible de la paupière avec déshydratation locale (évaporation du film lacrymal).
C’est alors que les patients ressentent dès le réveil le besoin de frotter un ou deux yeux irrités, ce qui induit alors, par la répétition quotidienne de ce geste et sa poursuite dans la journée, la déformation de la cornée.
Le simple fait de se frotter les yeux (même chez un sujet normal, non atteint de kératocône) déclenche une cascade biologico-moléculaire à même de rendre compte des éléments rapportés dans les études en histologie et biologie moléculaire: recrutement de cellules inflammatoires (neutrophiles), sécrétion d’interleuline 1, d’interleukine 8, permettant le recrutement de nombreuses cellules de l’inflammation et la libération locale de molécules pouvant induire une lyse des protéines du stroma cornéen, et une apoptose (mort cellulaire) des kératocytes (chargées de la fabrique et de l’entretien du collagène cornéen). Ces substances ont été retrouvées élevées dans le film lacrymal chez des volontaires s’étant frotté les yeux « sur commandes » pendant 10 à 30 secondes.
 Un élément plaide fortement en faveur de la responsabilité des frottements dans la physiopathologie du kératocône: les patients qui ne se frottent plus les yeux ont un kératocône qui n’évolue plus.
Arrêter de se frotter les yeux est le meilleur moyen de ralentir voir stopper l’évolution d’un kératocône. 
Cette assertion est étayée par le suivi scrupuleux de nombreux cas de kératocône, pour lesquels sont effectués des visites régulières à la Fondation Rothschild, au cours desquelles une topographie cornéenne différentielle est systématiquement effectuée.
La question légitime à ce stade est de savoir si TOUS les patients atteints de kératocône se frottent ou se sont frotter suffisamment les yeux. La réponse à cette question est, de notre point de vue clinique, affirmative. Certains patients nient à la première visite ces frottements, qu’ils effectuent machinalement et de manière inconsciente. Il est crucial d’informer ces patients des moments  de la journée où ils sont susceptibles de se frotter les yeux (réveil, travail prolongé sur ordinateur, retrait des lentilles, sous la douche, etc). Il est également important d’expliquer qu’il existe de nombreuses manières de frotter ses yeux. Les frottements impliquant les phalanges sont les plus délétères pour la cornée.
Cette attitude est certainement au moins aussi efficace que le cross linking, dont les résultats, malgré l’engouement pour cette technique, sont en pratique décevants et incertains. Les méta analyses récentes (Cochrane library, ou HAS) concluent à l’absence d’efficacité démontrée du CXL pour la prise en charge efficace du kératocône.
Certains patients atteints de kératocône n’ont pas conscience de se frotter les yeux de manière quotidienne ou plus répétée; il est crucial d’interroger leur entourage, et d’amener ces patients à se rendre compte qu’ils se frottent les yeux plus qu’ils ne le croient, notamment après avoir retiré leurs lentilles, avant de dormir, au réveil, en faisant des pauses devant l’ordinateur, etc. Les frottements sont souvent effectués au réveil, ou au moment de l’endormissement.
Selon l’auteur de ce site, le cross linking n’a pas de véritable intérêt thérapeutique, car il ne modifie pas les propriétés biomécaniques de la cornée, et que l’arrêt de frottements oculaires suffit à stopper l’évolution de la maladie.

Conclusion

Alors que les théories actuelles peinent pour expliquer les mécanismes mis en jeu dans la déformation du dôme cornéen, la théorie des frottements émise par l’auteur de ce site permet d’expliquer les différents éléments rencontrés dans le cadre du kératocône et unifier les différentes pistes évoquées jusqu’alors.
1° Toutes les circonstances pouvant favoriser la survenue d’une irritation oculaire et les frottements qui en découlent sont des circonstances favorisant la survenue d’un kératocône:
– allergies et terrain atopique
– position de sommeil responsable d’une irritation oculaire
– lentilles irritant les yeux
– travail prolongé sur écran
etc.
2° Toutes le circonstances qui conduisent à rendre le tissu cornéen plus vulnérable  à l’effet des frottements sont des circonstances favorisant la survenue d’un kératocône.
– cornée nativement fine (l’épaisseur cornéenne est génétiquement déterminée)
– collagène cornéen moins résistant
etc.
L’apparition du kératocône est conditionnée au franchissement du seuil de résistance de la cornée. Elle dépend de la fréquence, de la vigueur, de la durée des frottements et de la résistance de la cornée qui les reçoit.
Le facteur clé injustement négligé pour le kératocône est mécanique, et il est temps de remettre celui-ci au cœur du mécanisme  physiopathologique impliqué dans cette affection, afin d’éradiquer celle-ci.

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