Crosslinking : controverse
Le crosslinking (CXL) est une technique initialement conçue pour modifier les propriétés biomécaniques de la cornée et indiquée principalement pour traiter le kératocône. Le but du cross linking est de rigidifier la cornée en créant des liaisons atomiques supplémentaires au sein de certaines structures fibrillaires du tissu cornéen. Il existe une controverse vis à vis du bénéfice du CXL, qui n’a pas toujours l’écho qu’elle mérite en raison des intérêts mis en jeu…
Le cross linking est une technique destinée à durcir le tissu cornéen: ex vivo (sur des tissus prélevés sur des yeux d’animaux ou de donneurs), on peut objectiver l’augmentation de la résistance biomécanique. En revanche, in vivo, chez les patients ayant « bénéficié » de cette technique, AUCUN DURCISSEMENT TISSULAIRE N’EST MESURABLE. Pire, les mesures révèlent souvent l’apparition d’une REDUCTION DE LA RESISTANCE CORNEENNE.
Les mesures biomécaniques ne sont d’ailleurs plus utilisées lors des études cliniques consacrées au CXL !
Même si le CXL était réellement efficace à induire ce pour quoi il est conçu, cette technique n’est PAS adaptée à la nature du kératocône. Cette pathologie découle d’une fragilisation excessive de la cornée par les frottements oculaires, et non par un mécanisme demeuré obscur de ramollissement tissulaire; l’arrêt des frottements suffit, logiquement et en pratique clinique à stabiliser la déformation cornéenne. De nombreux chirurgiens prescrivent un CXL sans enquête clinique approfondie, souvent dès la première visite, en partant du principe que le kératocône va progresser. Ces praticiens sont pourtant incapables d’expliquer clairement par quel(s) mécanisme(s) la déformation et l’amincissement de la cornée peuvent apparaître puis progresser sans l’existence d’un facteur mécanique local. Malheureusement, nombre de médecins ne font pas preuve d’esprit critique et les raisonnements inductifs ne sont pas au coeur des études de médecine, ou le « par-coeur » est privilégié (et souvent imposé en raison de l’ampleur des connaissances à acquérir).
Pourtant, il suffit d’observer que des maladies réellement caractérisées par un ramollissement des tissus (ex syndrome de Marfan) provoquent une évolution fondamentalement différente du tissu cornéen, et qu’aucun modèle biomoléculaire ou génétique n’explique le kératocône à lui seul; ces théories achoppent toujours sur l’explication du caractère « focal » (localisé) et très asymétrique entre les deux yeux des anomalies cornéennes…. Explication qui est limpide quand on observe qu’elle est en rapport avec le caractère focal des frottements (les patients atteints de kératocône unilatéral ou plus prononcé d’un côté se frottent exclusivement ou surtout l’oeil atteint).
Ces praticiens devraient réviser leur attitude car non seulement leur conception du kératocône est erronée (mais avantageuse pour prescrire certains actes chirurgicaux), et pire, le CXL ne réussit même pas à atteindre le but qui lui est assigné: durcir la cornée des patients atteints de kératocône !
Avec le CXL sont souvent associés, pêle-mêle, des propositions de pose d’anneaux intracornéens ou de laser: le CXL étant généralement présenté comme une technique visant à stabiliser la maladie, et les anneaux/le laser sont destinés à améliorer la vision.
En cas de kératocône, la stabilisation de la maladie est assurée par l’arrêt strict des frottements oculaires. Pour la réhabilitation visuelle, l’adaptation en lentille de contact est bien plus efficace que les chirurgies à visée « cornéo plastiques » sur des cornées fragilisées et irrégulières. Certains praticiens répugnent à proposer une adaptation en lentilles aux patients chez qui un kératocône a été découvert, et leur proposent d’emblée un triptyque de chirurgies souvent peu efficaces et potentiellement sources de complications (halos avec anneaux, haze et problèmes cicatriciels, baisse de vision après CXL, etc.).
Certes, des études IN VITRO ont montré une certaines efficacité du CXL quant à la rigidification de cornées animales.
En revanche, aucune étude scientifique in vivo (réalisée sur des cornées de patients, en dehors de conditions expérimentales) n’a pu mettre en évidence de modifications significative de la rigidité de la cornée après réalisation du CXL, chez les patients atteints de kératocône. !! Encore de nos jours, dans les années 20, l’auteur de ce site expertise des articles scientifiques (reviewing) dont l’enjeu est de mettre au point une technique destinée à mettre en évidence le supposé durcissement cornéen induit par le CXL, généralement sans succès…
Ce simple constat devrait suffire pour reconsidérer l’intérêt de cette technique et susciter la controverse, afin d’essayer de comprendre les raisons de cet échec, et peut-être, de rendre la technique plus efficace.
Il est désolant que l’esprit critique ait cédé le pas aux intérêts non seulement financiers, mais à la facilité que représente l’acceptation d’une technique destinée à stopper une maladie par un patient inquiet et peu informé vis à vis de la réalité du kératocône.
L’explication invoquée pour rendre compte de cet échec des mesures « in vivo » est la défaillance des instruments de mesure. A moins de faire preuve d’une certaine crédulité ou malhonnêteté intellectuelle, cette hypothèse peut être récusée, car les instruments utilisés sont suffisamment sensibles pour mesurer le ramollissement cornéen consécutif à l’évolution du kératocône, ou encore la réalisation d’une chirurgie cornéenne (une page est consacrée à l’examen de l’hypothèse pour le moins fantaisiste de la défaillance instrumentale.
Les arguments présentés dans cette page sont rassemblés dans une publication en anglais (International Journal of Keratoconus and Ectatic Corneal Diseases).
Un site internet est dédié au kératocône (https://defeatkeratoconus.com/), et rassemble un nombre important d’observations qui montrent que le CXL n’est pas nécessaire pour stabiliser l’évolution d’un kératocône : l’arrêt des frottements oculaires suffit.
Même si le CXL était réellement efficace (c’est à dire qu’il provoquait un durcissement cornéen quantifiable), il n’aurait pas de réel intérêt dans le kératocône: le durcissement provoqué serait non significatif au regard de l’énergie délivrée par les frottements oculaires sur les cornées.
La popularité du cross linking au sein de la communauté ophtalmologique s’explique par une conjonction d’intérêt: celui d’offrir une solution jugée comme susceptible de freiner l’évolution du kératocône pour les ophtalmologues, et de freiner ou stopper l’évolution de celui-ci pour les patients légitiment inquiets quand ils reçoivent le diagnostic de kératocône. Les considérations d’ordres financières ne seront pas développées ici, mais participent forcément à l’engouement général. L’interprétation des études cliniques est souvent biaisée positivement; à titre d’exemple, on présente comme un bénéfice avéré la réduction de la courbure cornéenne d’une demi dioptrie à 6 mois; l’amplitude de cette réduction est inférieure à la limite de répétabilité des mesures topographiques sur les yeux atteints de kératocône, et cliniquement peut susceptible de changer quelque chose à la fonction visuelle des patients. Alors que le processus physico-chimique de réticulation est stoppé dès que l’irradiation UV est coupée (c’est à dire dès la fin de la procédure chirurgicale), il faut attendre 6 mois pour observer un éventuel retour à la normale ou une légère régularisation de la courbure cornéenne. Ce délai traduit la véritable cause des modifications cornéennes après CXL: il ne s’agit en rien du durcissement espéré, mais d’un remodelage épithélial superficiel non spécifique.
Et pourtant, il est important de réaliser que le cross linking échoue à accomplir son objectif premier (« rigidifier » la cornée) et l’arrêt des frottements oculaire (cause primitive du kératocône) suffit à stopper l’évolution du kératocône. Il n’est donc pas besoin de réaliser une technique inutile et potentiellement délétère pour la cornée, qui est d’ores et déjà altérée par le kératocône.
Etayées par de nombreux cas suivis au fin des années, ces assertions, qui vont à l’encontre de nombreux intérêts financiers, résultent d’une expérience clinique aboutie et d’une étude non partiale et critique de la littérature scientifique consacrée au kératocône:
Le cross linking : une technique qui n’a pas fait sa preuve selon la Cochrane database library
Le crosslinking de la cornée est un exemple frappant de discordance entre le but recherché par une méthode chirurgicale (durcir la cornée atteinte de kératocône) et les méthodes d’évaluation de la technique qui ne tiennent pas ou plus compte de variations éventuelles des propriétés biomécaniques de la cornée. Vous avez entendu parler de ces études un peu « bidon » sur des cohortes aux effectifs limités et sans groupe témoin ni placébo, ou qui sont conçues pour démontrer un présupposé? Bienvenue dans le monde de la publication consacrée aux résultats cliniques du CXL.
En mars 2015 est parue une étude de type méta analyse, émanant d’une des plus hautes autorités scientifiques en matière de santé publique (Cochrane Library) et de « médecine fondée sur les preuves ». Elle conclut sans appel à <a href= »http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25803325″>l’absence de preuve réelle de l’efficacité du CXL</a>, les quelques études de suivi publiées souffrant de nombreux biais (faible effectif, faible suivi, absence de groupe de contrôle) qui en invalident les conclusions.
Pourtant, de nombreux centres hospitaliers et privés continuent d’indiquer et réaliser des procédures de crosslinking, en dehors du cadre d’études prospectives bien conçues. Comme le souligne l’étude Cochrane, ces études demeureraient nécessaires pour prouver (ou plus vraisemblablement infirmer) l’intérêt réel de cette technique.
Il est important de souligner que si le CXL a été conçu pour durcir le collagène cornéen, aucun instrument n’est capable de mesurer in vivo un quelconque durcissement après CXL.
Le rapport de la Haute Autorité de Santé a récemment publié un rapport concernant le crosslinking, fondé sur une étude approfondie de la littérature. Ce rapport conclut que les études publiées apportent un « faible niveau de preuves ». Il est cependant pour le moins curieux de constater que les études mentionnées et ce rapport ne portent pas sur l’évaluation de l’effet pour lequel cette technique a été conçue et pensée: la modification des propriétés biomécaniques de la cornée.
L’éditorial du numéro de Novemhre 2016 de la revue Ophthalmology , qui fait référence, souligne l’absence de preuve formelle concernant l’efficacité du CXL, dont l’intérêt paraît plus lié à un « vide à combler » qu’à un véritable bénéfice médical.
La médecine fondée sur les preuves doit rechercher l’existence de ces preuves, et ne pas faire l’impasse sur les conclusions à tirer en leur absence.
Le CXL: effet biomécanique… ou pur remodelage cicatriciel?
Aucune des études cliniques n’ayant permit de constater un durcissement de la cornée après crosslinking, les études qui évaluent l’effet du crosslinking portent essentiellement sur des modifications de la topographie cornéenne, qui ne sont pas spécifiques au crosslinking.
Comme signalé plus haut, les modifications sont mineures (une à deux dioptries), et très certainement liées à la cicatrisation épithéliale consécutive au retrait de l’épithélium cornéen, ainsi qu’aux lésions tissulaires inflammatoires du stroma. Les infections cornéennes (abcès, kératites interstitielles, etc.) se soldent souvent par une réduction de la cambrure cornéenne. Les techniques de crosslinking sans retrait épithélial n’induisent d’ailleurs aucune modification significative de la géométrie cornéenne. Mieux, les techniques où l’on fait migrer le réactif (la riboflavine) dans le stroma cornéen grâce à un champ électrique (iontophorèse) sont également sans effet ni biomécanique, ni « morphologique », car dans cette approche, l’épithélium n’est pas retiré, et l’inflammation induite en postopératoire plus modeste. Les explications invoquées pour expliquer cet échec sont hasardeuses (manque d’exposition à l’oxygène de l’air ambiant).
Le plus extraordinaire, est que le CXL, technique sensée provoquer une réticulation immédiate du collagène cornéen, provoque de (faibles et souvent non significatives au vu de la répétabilité des mesures) modifications de la courbure de la cornée… plusieurs mois après la procédure. Or, le mécanisme physico chimique de réticulation, qui requiert une irradiation de la cornée par les UV-A, s’interrompt avec l’arrêt de l’exposition à ces UV, soit dès la fin de la procédure chirurgicale!
Si le CXL était réellement efficace, les modifications désirables s’observeraient immédiatement! Or, dans les jours qui suivent la procédure, la courbure antérieure de la cornée est.. accentuée (suggérant une aggravation du kératocône). Ceci n’est pas surprenant, le retrait de la couche épithéliale, régularisatrice, provoque la mise à nu d’un stroma superficiel bien plus irrégulier… Avant qu’une régularisation n’intervienne avec la repousse épithéliale et le remodelage cicatriciel, et explique les légères modifications de la topographie cornéenne au bout de quelques mois.
Des critères de suivi rudimentaires et peu fiables
L’interprétation des cartes topographiques sensées montrer une progression, ou une amélioration après cross linking est parfois sujette à caution: il m’est arrivé de constater qu’un effet topographique avait été jugé « positif » par un chirurgien après CXL, alors que la carte comparative entre l’avant et l’après révélait au contraire une aggravation du kératocône. Simplement, le chirurgien n’avait pris en compte que des chiffres de courbure situés dans la moitié supérieure de la cornée… qui n’étaient réduits que parce que le kératocône avait au contraire progressé, comme en attestait une augmentation significative des chiffres de cambrure de la moitié inférieure de la cornée.
On observe malheureusement un biais similaire d’interprétation en préopératoire (avant de poser l’indication du CXL): certains ophtalmologistes interprètent toute augmentation de la cambrure comme une accentuation du kératocône. Quand cette augmentation de cambrure apparaît dans une zone qui était auparavant plus plate et en supérieur, il est plus pertinent de l’interpréter comme une légère régularisation (ou une fluctuation d’examen).
Alors que l’on dispose d’instruments topographiques capables de mesures précises et à même de fournir des relevés détaillés, les critères utilisés pour juger de l’évolution du kératocône sont relativement rudimentaires. La kératométrie simulée (sim-K) est un indice topographique « historique » (dont la conception est plus ancienne que la topographie cornéenne et remonte à l’âge de la kératométrie manuelle) et qui correspond à la mesure de la courbure cornéenne en 2 points situés à proximité immédiate du centre cornéen (vertex). Il est souvent apprécié pour juger de l’évolutivité du kératocône, alors que la répétabilité de cette mesure est sujette à caution. Les « anciens » professaient d’ailleurs que la valeur de la kératométrie n’était pas une donnée très fiable pour mesurer la courbure d’une cornée atteinte de kératocône. Enfin et surtout, sont aujourd’hui pourtant disponibles d’autres métriques bien plus pertinentes, comme le « HO-RMS » (High Order RMS), qui reflète de manière plus globale le degré de l’irrégularité du relief cornéen.
Nous avons montré qu’en deçà d’1.3D, une variation de kératométrie n’est pas significative quand on mesure des cornées atteintes de kératocône. La plupart des études consacrées à la progression du KC avant et après CXL montrent des chiffres largement inférieurs à ce seuil, ce qui en invalide les conclusions.
La cornée est une structure constituée de fibres de collagène entrelacées, ce qui assure une rigidité suffisante pour permettre au tissu d’adopter une géométrie régulière en « dôme », sous l’effet de la différence de pression entre l’intérieur de la chambre antérieure de l’œil (pression intraoculaire) et la pression atmosphérique. Le kératocône et l’ectasie s’accompagnent de déformations de la cornée, qui sont dues à la réduction de la rigidité du dôme cornéen : celui-ci se déforme sous contraintes (différence entre la pression intraoculaire et la pression atmosphérique).
Le CXL échoue à durcir le tissu cornéen car celui-ci est probablement trop désorganisé pour que l’action (supposée car jamais véritablement démontrée sur des cornées humaines traitées) soit significative.
L’arrêt des frottements oculaires après CXL (la cornée opérée est sensible et les patients conçoivent plus ou moins consciemment qu’il ne faut plus la toucher après l’opération) est un élément probablement plus explicatif de la moindre progression du kératocône, (qui n’est toutefois pas non plus formellement démontrée après CXL selon la Cochrane study et la HAS).
L’absence d’alternative thérapeutique et la crainte d’une progression expliquent également que les patients atteints de kératocône soient enclins à accepter, voir à demander que l’on leur offre la possibilité de ralentir ou stopper la progression de la maladie. Ceci sert beaucoup les intérêt des sociétés qui commercialisent le matériel de chirurgie et les consommables (ampoules de riboflavine) nécessaires à la réalisation du CXL, ainsi que les chirurgiens qui pratiquent cette technique. Psychologiquement, il est difficile de refuser de ne pas recourir à une technique susceptible d’enrayer la maladie. Il convient toutefois de réfléchir avant de subir un CXL quand le diagnostic de kératocône vient d’être posé.
Le CXL… inutile (et potentiellement nuisible pour la cornée)
En réalité, la progression du kératocône n’est pas une fatalité. Jugeant personnellement la réalisation du CXL inutile voire potentiellement néfaste (risque de complications, déplétion en cellules kératocytaires) je récuse cette indication et explique aux patients qu’il est crucial de ne plus exercer de contrainte mécanique sur le dôme cornéen: les frottements oculaires sont à proscrire (les frottements expliquent probablement la quasi totalité des déformations cornéennes incluant les différents stades de kératocône), et certaines habitudes de sommeil comportant le risque d’un appui oculaire prolongé doivent être modifiées (ne plus dormir sur le ventre ou le côté la tête enfouie dans l’oreiller, la main sous l’œil). Les patients qui suivent cette prescription et cessent de se frotter les yeux reviennent tous les 3 ou 6 mois en consultation pour réaliser un examen de vue et une topographie cornéenne: celle-ci montre invariablement l’absence de progression de la maladie, comme dans l’exemple suivant:
L’auteur de ce site est parfaitement conscient des risques qu’il encourrait si la simple recommandation de ne plus frotter les yeux n’était pas efficace à elle-seule pour enrayer la progression de la maladie. De nombreux patients consultent pour un second avis, et souhaitent au fond d’eux-mêmes ne pas se priver d’une possibilité de stabilisation du kératocône. Il est toujours possible de différer une indication de CXL de quelques semaines, et refaire un contrôle topographique. Dans tous les cas suivis de la sorte, la stabilisation est observée, dès lors que cessent les frottements oculaires. Les raisons sous-jacentes à cette recommandation sont liées à la nature même du kératocône: selon l’auteur de ce site, cette affection n’est pas une maladie génétique conduisant à une déformation cornéenne dont les mécanisme seraient encore obscurs. Le kératocône est une affection caractérisée par une déformation cornéenne d’origine mécanique: les frottements oculaires répétés, que les patients effectuent souvent sans s’en rendre compte. Quand bien même le CXL n’échouerait pas à durcir le stroma cornéen, il n’en serait pas moins important de cesser absolument les frottements.
Le CXL provoque, à terme, une réduction de la sensibilité cornéenne qui peut avoir comme effet collatéral bénéfique de moins induire de prurit local et d’envie de frotter; c’est certainement par ce mécanisme qu’est obtenue la stabilisation observée après certaines chirurgies – qu’il est possible d’atteindre en faisant l’économie du CXL et de ses risques en arrêtant de se frotter les yeux. Par ailleurs, les patients qui continuent de se frotter les yeux après CXL provoquent par ailleurs une progression de la maladie.
En conclusion, le cross linking est une technique qui devrait au minimum faire l’objet d’une controverse et dont l’intérêt (médical) devrait faire l’objet d’études poussées. Malheureusement, la demande de prise en charge des patients est forte, et ceci est compréhensible d’un point de vue psychologique. Cette demande permet d’autant plus facilement à certains praticiens de proposer un CXL dès la découverte d’un kératocône, sans en documenter la progression par des examens topographiques répétés dans le temps. Pire, aucune information sur la nécessité cruciale (et qui en réalité suffit à stopper l’évolution de la maladie) de cesser tout frottement oculaire vigoureux n’est donnée au patient, dans bien des cas. Ce genre de pratique n’honore pas la médecine, du moins celle qui se fonde sur les preuves et l’éthique.
En conclusion; si vous ou l’un de vos proches avez consulté un praticien qui vous a proposé un CXL d’emblée, sans enquête, sans proposition de consultation en contactologie (lentilles) au moment de la découverte de votre kératocône; fuyez!
Essayez de contrôler les habitudes de frottements oculaires intempestifs, ce qui est loin d’être facile, et suppose une enquête approfondie et la prise en charge éventuelle de tous les facteurs de risques de frottement (y compris certaines positions de sommeil).
Evitez les chirurgies qui apporteront plus de bénéfices aux structures de soin qu’à vos yeux, et envisagez une réhabilitation visuelle en lentilles de contact rigides, sclérales, ou hybrides. C’est de loin, de très loin, le moyen le plus efficace pour récupérer une bonne vision.