Cabot F, Saad A, McAlinden C, Haddad NM, Grise A, Gatinel D. Objective Assessment of Crystalline Lens Opacity Level by Measuring Ocular Light Scattering With a Double-Pass System. Am J Ophthalmol, in press
Résumé et principales conclusion de l’étude :
Le diagnostic objectif de cataracte est un enjeu majeur en santé publique. On estime à environ 600 000 le nombre de cataractes opérées par an en France. En raison de la sécurisation des techniques chirurgicales et de l’évolution du mode de vie des seniors, on observe une tendance à poser l’indication de la chirurgie de plus en plus tôt. Une conférence de consensus conduite en 1995 a conclu que l’acuité visuelle devait baisser au delà du seuil de 5/10 pour poser l’indication de la chirurgie de la cataracte, à moins qu’une « gêne visuelle significative » et en rapport avec la cataracte ne soit présente.
Près de 20 ans plus tard, de nombreux patients consultent ou sont adressé pour une chirurgie de la cataracte alors que leur acuité visuelle est relativement peu affectée (ex: 8/10). Par ailleurs, l’utilisation du remplacement du cristallin clair par un implant (mono ou multifocal) est une technique parfois proposée pour la correction des fortes amétropies (implant monofocal) et/ou de la presbytie (implant multifocal). Située dans le champ de la chirurgie réfractive, la chirurgie du « cristallin clair » ne doit pas faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie…mais en raison de l’obsolescence des critères utilisés pour l’appréciation du retentissement visuel de la cataracte, la frontière entre chirurgie réfractive du cristallin et chirurgie de la cataracte semble assez poreuse…
Qu’est-ce qu’un cristallin « clair » ? Comment distinguer un « cristallin clair » d’une « cataracte débutante » ?
Nous venons de rapporter dans l’American Journal of Ophthalmology les résultats d’une étude prospective, monocentrique, transversale conduite à la Fondation Rothschild entre 2010 et 2011 (Service du Dr Gatinel). L’objectif de ce travail était d’évaluer et quantifier le niveau d’opacité du cristallin par mesure objective de la diffusion (dispersion) de la lumière oculaire avec une mesure aberrométrique par double passage (OQAS). Nous avons été le premier service hospitalier français à s’équiper de cet instrument en 2008, et d’abord étudié et publié la répétabilité de l’OQAS.
Deux cent cinquante-trois yeux de 135 patients référés pour une évaluation de la cataracte ont été recrutés pour cette étude. Les patients présentant des anomalies rétiniennes ou cornéennes provoquant une réduction transparence oculaire atteinte ont été exclus. L’opacification du cristallin a été évaluée à l’examen biomicroscopique (lampe à fente) par le système de classification « Lens Opacites Classification System III (LOCS III) : ce système repose sur une comparaison effectuée entre des images de références (représentant différents types de cataracte : sous capsulaire antérieur et postérieur, cortical, nucléaire), grades et degré de coloration – de l’opalescence à la brunescence ). L’examen OQAS (Visiometrics) a été effectué pour tous les yeux inclus : cet examen permet d’effectuer des mesures grâce au recueil d’un faisceau de lumière infra-rouge émis à travers les milieux oculaires, avant d’être réfléchi sur la fovéa et traverser en retour ces mêmes milieux oculaires (double passage). Le faisceau lumineux émergent est focalisé de manière à être conjugué avec la rétine fovéale : on obtient une répartition de l’intensité lumineuse appelée fonction d’étalement du point lumineux, ou « Point Spread Function » (PSF). En cas de perte même partielle de la transparence du cristallin, la lumière est diffusée par les opacités cristalliniennes, ce qui se traduit par un étalement de l’énergie lumineuse recueillie et formant la PSF.
A partir de cette image, un indice de diffusion lumineuse (OSI pour Optical Scatter Index) est calculé. Le chiffre obtenu est proportionnel au taux de diffusion lumineuse : il a été rapporté dans des travaux préliminaires qu’un OSI supérieur à 2 témoigne d’une cataracte débutante (en l’absence d’autre source de diffusion intraoculaire).
La Fréquence de coupure de la Fonction de Transfert de Modulation (FTM, MTF selon l’acronyme anglais) peut également être estimée à partir de l’image recueillie et correspond à la fréquence spatiale au-delà de laquelle le contraste de l’image formée est nul.
Un questionnaire de qualité de vision comportant des illustrations a été remis à chaque patient afin de caractériser et quantifier la gêne visuelle ressentie : voile visuel, halos, et images fantômes étaient recherchés. En fonction du score de qualité de vision, nous avons scindés les yeux inclus en 3 groupes (gêne visuelle faible, moyenne et importante).
Nous avons analysé les corrélations entre l’acuité visuelle, le type et le degré de la cataracte, la mesure des indices de qualité optique (OSI, Fréquence de coupure de la MTF : FC-MTF), et le niveau d’inconfort visuel dans chaque groupe.
Les valeurs quantitatives de ces paramètres ont fait l’objet d’une analyse statistique. Un des résultats les plus frappants était que la valeur de l’acuité visuelle était bien corrélée à celle de l’OSI pour l’ensemble des patients étudiés; diffusion et réduction du pouvoir de résolution oculaire sont corrélés. Chez les patients dont la meilleure acuité visuelle corrigée était supérieure à 20/32 (environ 6/10) la valeur de l’OSI était supérieure à la normale (2.8 +/- 2.6). Chez ces patients (meilleure acuité visuelle corrigée supérieure à 20/32 -environ 6/10), nous avons trouvé des corrélations entre l’OSI, la fréquence de coupure de la MTF, et l’acuité visuelle (R =0,4, p <.0001). L’OSI, la FC-MTF et l’acuité visuelle ont été corrélés avec chaque type de cataracte (nucléaire, sous capsulaire, corticale). La FC-MTF était corrélée à l’importance des symptômes visuels. Chez les patients ayant une déficience subjective de la qualité visuelle et une acuité visuelle conservée, les valeurs objectives de l’OSI étaient également corrélée à la sévérité de la cataracte sous-capsulaire postérieure (R =0,4, p <0,0006).
Cette étude montre que les patients atteints de cataracte naissante sur le plan biomicroscopique peuvent présenter une gêne visuelle significative, et ce en dépit d’opacités de stade mineur au niveau du cristallin. La mesure objective de la diffusion oculaire avec l’instrument OQAS peut être un outil utile dans l’évaluation préopératoire des patients référés pour une suspicion de cataracte.
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