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Gatinel D. The mystery of collagen cross linking when it comes to in vivo biomechanical measurements. J Refract Surg. 2014;30(11)-727

Cette lettre à l’éditeur du Journal of Refractive Surgery concerne un article récemment publié sur les résultats du Cross Linking chez des patients atteints de kératocône  (1). Comme dans toutes les études précédemment effectuées, les deux instruments destinés à la mesure de la biomécanique cornéenne (Ocular Response Analyzer : ORA) et le CorVis n’ont pas mis en évidence le durcissement cornéen attendu après le cross linking. Plutôt que d’interroger la possibilité que le cross linking n’ait pas les effets attendus sur la biomécanique cornéenne, les auteurs de cette publication soutiennent (dans l’article) et persistent à croire en  (cf la réponse à cette lettre) la thèse d’une sensibilité insuffisante des instruments utilisés!.. Ces conclusions pour le moins surprenantes rejoignent celles d’autres auteurs, et avait également justifié la rédaction d’une autre lettre.

Or, ces instruments sont pourtant sensibles à la réduction de la biomécanique cornéenne au cours de l’évolution du kératocône. Comment un instrument sensible à l’altération des propriétés biomécaniques de la cornée ne le serait-il pas en cas d’amélioration de celle-ci? C’est un peu comme si l’on considérerait que l’explication la plus vraisemblable, après avoir constaté qu’un régime amaigrissant ne faisait pas perdre de poids, serait que les balances et pèse-personnes utilisés ne sont pas assez sensibles pour quantifier cette perte. Ce manque de rigueur scientifique est surprenant dans un contexte où il est important de valider objectivement l’intérêt de thérapeutiques potentiellement innovantes, mais non dépourvues d’effets indésirables et de complications potentielles. Le cross linking  repose sur le largage de radicaux libres au sein d’un tissu déjà fragilisé (notamment par les frottements oculaires répétés qui représentent probablement le mécanisme causal fondamental du kératocône), et l’exposition à un taux prolongé de radiations ultraviolettes.

En réalité, l’interprétation non biaisée de cette étude confirme l’absence d’effet réel du CXL sur la biomécanique cornéenne dans les situations cliniques (in vivo). Comme expliqué dans cette lettre à l’éditeur, les modifications topographiques observées après cross linking sont très probablement liées à un remodelage de l’épithélium cornéen (il est intéressant de noter au passage que les techniques de CXL sans désépithélialisation ne durcissent pas plus la cornées que les méthodes classiques, mais n’induisent aucun changement de la courbure cornéenne… comme attendu puisque l’épithélium cornéen est conservé).

L’absence d’efficacité du crosslinking devrait conduire les chirurgiens à remettre en cause l’intérêt de cette technique, et étudier en détail les causes de ce « mystère » que constitue l’absence d’effet mesurable sur le plan biomécanique, qui est pourtant l’enjeu premier du CXL.

Cette inefficacité biomécanique in vivo pourrait s’expliquer par des effets de seuils: l’altération du tissu cornéen, la désorganisation des fibres de collagènes, sont trop importantes en cas de kératocône pour que la technique de cross linking, telle que pratiquée actuellement, soit réellement significativement efficace.

Enfin, l’effet de « stabilisation » du CXL n’est pas réellement démontré quand on observe la méthodologie utilisée dans les études cliniques. L’absence de groupe témoin et les faibles échantillons, ajoutés à l’ambiguité ou le faible nombre de variables utilisées pour documenter et objectiver la progression du kératocône, ne permettent pas d’affirmer un réel effet stabilisateur du CXL, en tous les cas supérieur à celui que prodigue l’arrêt strict des frottements oculaires.

 

Gatinel D. The mystery of collagen cross linking when it comes to in vivo biomechanical measurements. J Refract Surg. 2014;30(11)-727

 

1) Bak Nielsen et coll. Dynamic Scheimpflug based assessment of keratoconus and the effects of corneal cross-linking. J Refract Surg, 2014,30;408-414

Une réponse à “Gatinel D. The mystery of collagen cross linking when it comes to in vivo biomechanical measurements. J Refract Surg. 2014;30(11)-727”

  1. Dr Damien Gatinel dit :

    Vous êtes certainement atteint d’un keratocone bilatéral ; certaines formes donnent un aspect topographique de dégénérescence pellucide marginale. Mais cette dernière est en revanche toujours bilatérale et se « declare » plutôt vers la quarantaine. Le CXL n’est pas indiqué dans votre cas, il est abusif de proclamer que cette technique retarde la greffe de cornée : AUCUNE étude de le démontre, et la progression du keratocone est plutôt liée aux frottements oculaires qu’il est important de cesser complètement .

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